Bruce AIGLEHOUX, bonjour.
Vous êtes le nouveau Délégué général de Fedairsport, Fédération des Acteurs des équipements de Sports et de loisirs. Qui êtes-vous et quelle est cette Fédération ?
Après une école de commerce parisienne, j’ai passé un MBA au Canada où je suis resté 8 ans. J’ai d’abord travaillé en entreprise et j’étais dans un syndicat professionnel du transport avant de reprendre Fedairsport, il y a 7 mois. Cette organisation rassemble la filière entière des infrastructures de sports et de loisirs, avec d’un côté les collectivités locales et donneurs d’ordres avec plus de 80% des terrains en France, et de l’autre côté les entreprises qui pensent les programmes (architectes, AMO (NDLR : assistant à maîtrise d’ouvrage), programmistes), celles qui réalisent (industriels) et celles qui entretiennent et celles qui recyclent (gazon, sols divers, etc.). Et autour de cela gravitent une quarantaine de fédérations professionnelles, l’AFNOR et trois ministères, Sports, économie et Santé.[…]
Vous êtes relativement récent dans ce monde des OP : avec TLF, cela fait environ 3 ans d’activité. Que donne votre premier recul sur ce milieu, en comparaison de votre expérience en entreprise ?
Tout d’abord, mon expérience de l’entreprise, c’est aller vite, avoir un but, s’assurer que les affaires soient conclues rapidement, avec de l’argent réalisé au bout. Mon expérience de l’Amérique du Nord, c’est le pragmatisme, les avancées, la rapidité d’action. Donc, parfois, je suis surpris. Pas sur le fond, car c’est le principe des syndicats de salariés, non pas de bloquer, mais de faire avancer des points qui vont dans l’unique sens des salariés. Dans le transport, j’étais parfois choqué de voir des syndicalistes qui monopolisent la parole pendant 2h45 sur des réunions de 3 heures pour parler de sujets qui ne concernent pas ladite réunion. C’était de la perte de temps : inutile ! Encore une fois, en Amérique du Nord, en entreprise, on aime avancer. Et c’est ce que j’aime aussi.
Et c’est ce que j’apprécie aussi dans le milieu du sport : il y a des aspects politiques, de lobbying, mais la filière veut avancer et elle est mure pour cela. Surtout avec les échéances qui arrivent : Euro 2016, Ryder cup de golf 2018, Coupe du monde de rugby 2023, JO Paris 2024… C’est un moment opportun. Nous sommes présents aussi au comité interministériel de pilotage de la filière de l’économie du sport. Cette filière veut avancer, elle est mûre pour cela et c’est le bon moment pour y être. Je suis donc très content d’arriver maintenant à ce poste.
Pour revenir à votre question, j’ai effectivement presque 3 ans de recul sur les OP. Je retrouve le fonctionnement que j’avais déjà approché auparavant en étant en entreprise. Je ne suis pas surpris, j’ai juste envie que cela bouge un peu plus. La France est un beau pays, qui fait beaucoup de choses. Mais il faudrait une réelle volonté gouvernementale de simplification. Et dans les faits, je ne la vois pas ou trop rarement. Les pouvoirs publics devraient s’inspirer beaucoup plus du monde de l’entreprise pour aller de l’avant, plus vite. Par exemple, notre secteur est en relation avec le Centre National pour le Développement du Sport (CNDS) qui saupoudre quelques centaines de milliers d’euros sur tel ou tel équipement sportif, alors qu’il en faudrait réellement 2 ou 3 millions pour être opérationnel. Du coup, nous sommes en train de mettre en place un fonds de concours, en relation bien sûr avec les pouvoirs publics, qui va par exemple donner un taux bonifié pour faire sortir de terre les équipements sportifs qui sont réellement utiles. J’ai vu hier un article dans une revue sur les terrains sportifs : un très bel ensemble piscine et équipement aquatique sort dans la Creuse avec 600.000 € du CNDS. Je suis content pour la Creuse, pour les habitants et le Maire de la commune concernée, mais je ne suis pas certain que ces 600 K€ soient investis de façon optimale alors que d’autres terrains ont besoin de rénovation.
Puisque vous parlez des sites sportifs, quel est le niveau d’équipement français dans ce domaine ?
Le pays est assez bien équipé. Il y a eu des plans en ce sens dans les années 80 et 90, avec un schéma directeur avec 1 ou 2 types d’équipements qui étaient ensuite répliqués en plus grand nombre. Donc, en nombre, la France est bien équipée. Mais depuis cette époque, la population a changé qui quitte un peu les grandes villes vers des zones moins denses, le côté loisirs est plus important, le côté famille est plus important, les envies des utilisateurs ont évolué. Maintenant, dans les piscines, il faut que le matin et le soir il y ait des clubs, les scolaires au milieu et que les familles y trouvent leur compte quand elles veulent amener leurs enfants ou que les individuels puissent nager la journée ou le weekend. Donc, il faut des piscines plus ludiques, plus ouvertes, avec des horaires. Je salue d’ailleurs au passage la Mairie de Paris qui permet maintenant d’ouvrir plus tard les lieux sportifs, parfois jusque 22 ou 23 heures, point important pour tous ceux qui travaillent tard. Il faut donc des équipements bien pensés en amont, y compris en termes de développement durable. Nous avons créé une commission Recyclage & Valorisation et la toute 1re question posée a concerné l’écoconception. Beaucoup de villes veulent changer leurs terrains synthétiques qui arrivent en fin de vie ; qu’en fait-on ? Jusque-là, soit ils partaient aux Pays-Bas pour réutilisation ou recyclage ou bien ils étaient dumpés dans un lieu sauvage et cela créait une décharge à ciel ouvert. Les Hollandais n’en veulent plus, la décharge sauvage est à rejeter, il faut donc sensibiliser les pouvoirs publics sur ce dossier. Ensuite, quelle est la responsabilité des villes dans l’élimination, puisque l’aménageur qui va installer le nouveau terrain n’est pas responsable de l’élimination de l’ancien : c’est la ville, propriétaire et dernier utilisateur qui doit s’en charger. Mais dans quelles conditions ?
Fedairsport organisera en novembre 2016 un colloque à Marseille, ville emblématique puisque l’on y trouve 23 piscines : des anciennes, des nouvelles, certaines très éloignées, d’autres très belles, mais inexploitées ou inexploitables financièrement ; il y a donc des actions réfléchies à mener. Prenons l’exemple d’Issy-les-Moulineaux : la ville va créer un nouveau parc municipal des sports, quatre fois plus grand que l’ancien et qui va couter deux fois moins cher à l’exploitation.
Jusqu’à présent les pouvoirs publics, puisque 80 % des équipements sont publics, ne pensaient qu’à l’investissement, cf. le CNDS et ses subventions saupoudrées. Ensuite, très souvent, trop souvent malheureusement, les villes ne vont pas avoir les moyens de les entretenir, ce qui va entrainer une dépréciation rapide de l’équipement sportif qui durera 5 ans au lieu de 10. Je reviens donc au fonds de concours que nous créons : nous ciblons les bons équipements, avec une qualité environnementale intéressante, qui va durer dans le temps, avec une étude de marché faite en amont pour savoir si le trafic visiteurs va être suffisant pour financer l’entretien. Et puis, bien sûr, a-t-on réellement besoin de cet équipement à cet endroit-là ? Il y a eu trop des guerres de clochers entre des mairies avec des concurrences et des réalisations d’équipements inutiles.
On peut estimer qu’en démocratie, chaque municipalité agit comme elle le désire. Face aux exemples que vous citez quel est le rôle concret de Fedairsport ?
Nous sommes une association loi de 1901, donc neutre et nous sommes là pour faire avancer toute la filière, pour nous assurer que les équipements soient de la meilleure qualité possible et qu’ils soient utilisés au mieux par tous les publics. Nous avons donc des experts qui pensent les équipements en amont, que les normes soient bien faites afin d’avancer dans le bon sens. Et nous sommes une plateforme d’échanges, d’innovation, de recherche, de tests et puis de documentation. Beaucoup de villes viennent d’ailleurs rechercher à Fedairsport l’information dont elles ont besoin, y compris pour la réalisation d’équipements destinés à des équipes sportives professionnelles qui sont très exigeantes sur la qualité. Sur Paris, le PSG en est un très bon exemple : on ne fait que jouer au Parc ; il n’y a pas d’entrainement sur ce terrain, il n’y a que l’échauffement et encore, le minimum ; dès la mi-temps, on l’arrose et on le tond et on recommence dès la fin du match pour s’assurer que le terrain vive et continue à vivre. Bien sûr, tout le monde n’a pas les moyens du Parc où c’est l’extrême, mais d’autres terrains de ligue 1 ou de Top 14 sont très bien entretenus. Par ailleurs, j’ai rencontré le Directeur des sports de Chambéry qui a trois clubs sur le même terrain : deux de foot et un de rugby ; il doit gérer un changement de catégorie et pour savoir comment organiser tout cela, Fedairsport peut l’accompagner dans les décisions à prendre. D’où l’importance d’accueillir chez nous à la fois les collectivités locales, les entreprises qui peuvent répondre aux questions techniques et les fédérations sportives dont certaines font étudier leurs règlements fédéraux par Fedairsport. De même, nous collaborons avec l’AFNOR pour l’étude des normes avant leur passage en commission publique.[…]
29/03/16 –1884-1901.fr – Parler et faire parler du premier réseau social et d’influence – Lire l’interview